Les violences subies inscrivent les femmes dans un réel traumatique, un réel sans signifiant qui les laisse face à un vide, un manque impossible à dire. Les femmes qui ont traversé les tempêtes de la violence portent en elles des blessures invisibles, profondes, qui résonnent dans chaque fibre de leur être. L’art-thérapie, tel un souffle doux et réparateur, leur ouvre un espace pour tenter de nommer l’innommable où elles peuvent déposer leurs douleurs, retrouver leur voix,
et réapprendre à s’aimer.
Dans cet écrin de créativité et de sécurité, elles explorent le chemin vers une guérison intérieure, un voyage au cœur de leur propre résilience.
Un espace d’expression pour libérer le silence
Pour celles qui ont longtemps tu leurs souffrances car le trauma s’inscrit dans le réel, là où le langage échoue, où le sujet ne peut dire « je ». L’art-thérapie est une fenêtre ouverte, un lieu où les mots ne sont plus nécessaires, où le silence peut enfin parler.
À travers des gestes simples, sans la contrainte des phrases, chaque femme est invitée à exprimer ses émotions profondes, ses peurs et ses espoirs, à son rythme, sans hâte. Ce processus agit directement sur le système limbique, siège des émotions, en libérant les tensions accumulées dans l’amygdale cérébrale, souvent hyperactive après un traumatisme.
Grâce au transfert, le cheminement créatif met alors en mouvement les pensées, qui mettent à leur tour les émotions en mouvement. Tous ces mouvements amènent petit à petit à un réajustement interne, voire une mise à jour des pensées et des émotions, permettant ainsi, progressivement, à ces femmes de réinventer leur
rapport à l’Autre.
Peu à peu, cet espace devient un havre où les mécanismes de peur excessive cèdent la place à un apaisement intérieur. Ce refuge créatif devient un écrin où elle peut, peu à peu, poser ses fardeaux, se délester des ombres qui l’alourdissent, et sentir l’air de la liberté caresser son esprit.
Se retrouver et se reconstruire
Dans la douceur de l’acte créatif, l’art-thérapie agit comme un miroir bienveillant, qui renvoie à chaque femme l’image d’une personne entière, précieuse, et capable de se réinventer. Ce processus engage également le cortex préfrontal, la partie du cerveau liée à la réflexion, à la prise de décision, et à la résilience.
En se reconnectant avec elle-même, chaque femme réapprend à organiser ses pensées, à transformer ses émotions en actions positives, et à redonner du sens à son existence. Chaque création devient un jalon sur le chemin de la reconstruction, un symbole de son courage, de sa capacité à renaître et à transformer son passé en un terreau de nouvelles possibilités.
Ainsi, elle retrouve confiance en elle, elle se redéfinit, et s’autorise à rêver un avenir où elle se sent digne, forte et libre.
Un souffle de résilience et d’espoir
L’art-thérapie ne se limite pas à apaiser ; elle bouleverse aussi des mécanismes internes qui favorisent la résilience. En stimulant des zones du cerveau associées à la mémoire émotionnelle et à l’apprentissage, elle permet de reconfigurer des connexions neuronales affectées par le traumatisme.
Ce phénomène, c’est la neuroplasticité, elle aide les femmes à intégrer de nouvelles perceptions d’elles-mêmes et à retrouver un équilibre émotionnel. Au fil des séances, chaque femme apprend à cultiver l’espoir, à bâtir en elle des piliers solides pour affronter les épreuves, et à puiser dans son histoire non pas de la souffrance, mais la beauté de sa propre transformation.
Elle comprend qu’elle n’est pas seulement la somme de ses blessures, mais aussi celle de ses victoires, de ses renaissances. L’art devient un compagnon, un guide discret mais puissant, qui l’accompagne vers un horizon lumineux où elle se sent entière et apaisée.
Proposition d’un dispositif
Voici un exemple de dispositif que je pourrais proposer à une femme qui vient consulter suite à des traumatismes dûs à des violences : des matières rondes et douces, légères et lisses. Ainsi, elle s’en empare en toute confiance pour assembler, tester, abandonner, refaire, défaire, remettre, se tromper, réparer, en fonction d’un thème personnel, d’une histoire qui fini bien ou mal, d’un mot dit d’un mot de trop, d’une phrase dite ou tue… Pour qu’elle fasse exprimer par ses mains ce que sa bouche verrouille en raison de la culpabilité et de la honte.
Conclusion
L’art-thérapie est une lumière douce dans la pénombre, une main tendue vers celles qui, trop longtemps, ont été enfermées dans le silence et la douleur. En libérant les émotions enfouies, en reconfigurant les mécanismes internes affectés par les traumatismes, et en éveillant des capacités insoupçonnées de résilience, elle offre aux femmes victimes de violence un espace précieux pour se reconstruire.
Elles passent d’un état où le trauma les fige dans le réel à un espace où elles peuvent réarticuler leur histoire, réintroduire le symbolique, et ainsi sortir de l’impasse du
silence. À travers ce processus, chaque femme redécouvre qu’elle est bien plus que ses blessures : elle est une force en devenir, un être capable de renaître et de tracer un chemin nouveau, empli de sérénité et d’espoir.
Il leur permet de se réapproprier leur place dans la chaîne signifiante et de redevenir actrices de leur existence. L’art-thérapie, discrète et bienveillante, devient alors le fil conducteur de leur métamorphose, un guide vers un avenir où elles pourront se sentir à nouveau
maîtresses de leur vie.
Article écrit par Christine Benassaya, art-thérapeute à Nice.